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Regards sur l'actualité

Une récession sous le sapin?

Jean Roy
Jean Roy

4 décembre 2008

Robin Renaud

Ces dernières semaines, les places boursières du monde ont connu des soubresauts et des secousses majeurs. Certains pays sont en récession, des gouvernements volent au secours de banques et d'industries phares. Au Canada, on évoque le retour des déficits du gouvernement central. Or, l'effervescence commerciale du temps des fêtes ne semble pas trop compromise par ces nouvelles de mauvais augure. Cela annonce-t-il des lendemains de veille pénibles? Jean Roy, professeur de marketing à la Faculté d'administration, parle du comportement des consommateurs à l'aube d'un ralentissement économique.

Journal UdeS : Le fort ralentissement économique appréhendé ne semble pas freiner les ardeurs des consommateurs à l'approche des fêtes. Cela peut-il s'expliquer par l'absence de signes visibles de récession, comme les fermetures d'usines et les pertes d'emplois massives?

Jean Roy : En grande partie, oui. Toutefois, si vous discutez avec les commerçants, certains vous indiqueront qu'ils ressentent déjà des changements. La restauration – surtout les repas plus dispendieux – et le divertissement sont deux secteurs plus touchés lors du début d'un ralentissement.

Journal UdeS : Quels sont les principaux facteurs qui minent la confiance des consommateurs?

J. Roy : Comme vous l'avez mentionné auparavant, c'est l'accumulation des mauvaises nouvelles qui amène le consommateur à modifier progressivement ses habitudes d'achat. Particulièrement les nouvelles qui touchent sa propre situation économique, comme une fermeture d'usine dans sa région, une perte d'emploi, la diminution d'heures de travail, le fait de ne pas obtenir de bonus à la performance. Les événements mondiaux, comme la crise financière actuelle ou la récession annoncée dans plusieurs pays, a aussi une influence. Les consommateurs québécois étant encore majoritairement hédoniques – ce qui explique notamment que le REER moyen québécois s'élevait à 16 000 $ en 2007 – ils tentent de reporter leur privation le plus possible. Nous sommes maintenant loin du comportement «bas de laine» de nos ancêtres...

Journal UdeS : Lorsque l'économie ralentit, les travailleurs consomment-ils moins, ou différemment? Quels sont les comportements de consommateurs qui changent?

J. Roy : Plusieurs consommateurs tentent d'abord de reporter la privation. Plusieurs utilisent alors les différentes formes de crédit disponibles (carte de crédit, marge à la banque, financement des commerces). Par la suite, certains postes de dépenses commencent à diminuer. Par exemple, comme je l'ai déjà mentionné, la restauration et le divertissement sont historiquement deux secteurs d'abord affectés lors d'un ralentissement. Par la suite, les autres postes de dépenses sont touchés. Par exemple, le changement de voiture sera reporté, l'achat d'une piscine également.

Journal UdeS : Croyez-vous que le ralentissement économique va entraîner un resserrement de l'accès au crédit; ou au contraire, les commerces chercheront-ils des moyens de faciliter le crédit pour stimuler leurs ventes?

J. Roy : La première chose à comprendre quant à l'accès au crédit, c'est que beaucoup des mauvaises nouvelles sur ce point concernent actuellement surtout le marché américain. Les conditions d'accès au crédit au Québec ne sont pas aussi difficiles qu'aux États-Unis en raison notamment d'un conservatisme plus grand des institutions financières canadiennes. Ceci dit, les systèmes financiers mondiaux étant fortement intégrés, il est actuellement difficile de prévoir avec certitude une direction en ce sens. Il y aura certes une volonté des commerçants pour offrir des facilités de crédit, mais celle-ci sera conditionnée par l'état du marché financier.

Journal UdeS : Quels sont les secteurs économiques qui peuvent profiter d'un ralentissement économique?

J. Roy : Voici quelques changements de comportements qui profitent à certains secteurs. Historiquement, il se consomme plus d'alcool lors de récessions; les consommateurs sortent plus dans les bars, pour oublier, voir des gens. Il s'achète moins de voitures neuves, mais s'effectue plus de réparations. En période de ralentissement, les consommateurs indiquent généralement que les bas prix deviennent le critère le plus important dans la décision d'achat, ce qui laisse entendre que les commerces comme Wal-Mart (avec son slogan du prix le plus bas garanti) ou Dollarama devraient sortir moins affectés de cette crise. Historiquement, les dépenses alimentaires des consommateurs passent du restaurant au supermarché; dans tous les cas, on passe à des achats moins coûteux. On assiste à la croissance des achats de nourriture congelée, de viandes froides, de boulangerie de base... bref, c'est le retour des sandwichs au menu.